Dikè

De Gregorius 3.0
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Définition

Fille de Zeus et de Thèmis, Dikè est une déesse de la mythologie grecque personnifiant la Justice. Accompagnée de ses sœurs Eunomia (Juste répartition) et Eirénè (Paix), elle fait partie des Hôrai, à la fois divinités de la Nature et de l’ordre assurant ensemble le maintien ainsi que l’équilibre de la collectivité humaine.

De surcroît, la dikè est aussi un concept abstrait polysémique dont le sens évolua conjointement avec le développement du droit grec. Fondamentalement, la dikè appartient au vocabulaire judiciaire. Alors qu’Homère lui préfère thémis, la dikè renvoie davantage à une manière d’être, à un comportement approprié qu’au droit lui-même. Toutefois, quelques occurrences valident déjà cette seconde signification. En ce sens et en l’absence de justice institutionnelle permanente, elle correspond à la formule et à la sentence ponctuelles du juge sollicité pour résoudre les différends soumis à son arbitrage. Les dikai (jugements) correspondent aux dits de justice appliquant droitement les préceptes de la thémis. Ce qui coïncide avec l’étymologie de dikèdeiknumi : en grec ancien « j’indique » – renvoyant en l’espèce à la monstration de ce qui procède d’une volonté supérieure. C’est Hésiode qui mettra en lumière la dikè en tant que véritable système judiciaire visant le règlement pacifique des litiges et la sanction de la violation du Droit. La dikè – donnée par Zeus aux Hommes – devient une arme contre les velléités individuelles et collectives d’hubris (démesure) et par là même un attribut essentiel de l’humain. Face aux basileis « mangeurs de présent » (rois aux décisions retorses), à la violence et aux faux serments, la dikè fait barrage à ce que le poète dépeint d’une décadence générale de la « race de fer » (VIIIe s. av. J. C.). Elle apparaît comme précondition de la paix et de la prospérité de la collectivité humaine.

Avec les Présocratiques (à partir du VIe s. av. J. C.) – notamment Anaximandre et Héraclite – la dikè prend de l’amplitude en se faisant plus holistique. Elle prend alors la forme d’une force cosmique universelle ordonnatrice du monde à laquelle il s’agira de s’ajuster afin de coïncider harmonieusement avec la « nature des choses ». D’une certaine manière, par cette définition, elle englobe l’ancienne thémis, notion de moins en moins utilisée.

La dikè en viendra progressivement à signifier la justice en général. Avec le développement toujours plus avant des poleis grecques, la notion s’humanise davantage entretenant des liens plus distendus – mais toujours existants – avec les mythes et les cultes. Aux Ve et IVe siècles, elle prendra une tournure plus morale – certains estiment qu’elle l’a toujours été – sans pour autant abandonner les diverses sédimentations sémantiques qui furent les siennes. En outre,

Platon évoquera la dikaiosunè, la qualité de l’homme juste. Aristote développera la vertu cardinale de justice fondée sur la bonne proportion.

Cependant, La moralisation de la dikè n’enlèvera jamais l’essentiel pour les Grecs, à savoir l’interrogation des relations entre les parties et le tout. À l’harmonie intérieure des citoyens répondra toujours celle de la polis. De même que la poursuite du juste par les citoyens fonde une cité de justice, l’établissement d’un ordre juridique au service de la paix et du bien-être des membres de la communauté ne manquera pas de faire naître le juste en leur âme.

Références

Bibliographie

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Voir aussi

Liens internes

Liens externes